Luigi & luca Private Album


L&L meet Carlos Diez, Blow job1,photographie, 2008 courtesy Luigi & Luca

L&L est un duo de photographes qui débute son activité en 2007. Ils sont eux-mêmes l’objet de leurs prises de vues en un mélange subtil de mises en scènes et de journal intime. Va-et-vient entre fiction et réalisme, entre classicisme et images crues donnant naissance à un univers qui mêle attraction et provocation. Les photographies de Luigi et Luca font état de leur fascination pour les images de la mode et pour les références de l’histoire de l’art devenues icônes. L&L se créent en personnages désirants et désirés, ils se dédoublent à l’envi pour incarner leurs fantasmes, ils jouent ainsi avec eux-mêmes et avec les codes de représentations.

Eros mais aussi Thanatos avec des scènes de contraintes proches de la torture, les scénarios de ce duo d’artistes oscillent constamment entre glamour et trash. De Saint Sébastien aux images plus abruptes de golden shower, ils mettent en évidence cette frontière mobile entre oeuvre et journal intime réaffirmant l’éclatement de l’opposition public et privé.

L&L, Private album, desert derie, photographie 2010 courtesy Luigi & Luca


Dans la série de photographies reproduites ici, Luigi & Luca rejouent un Kâma-Sûtra étrange au milieu du désert, sorte de théâtre fantastique de leurs fantasmes, telle une vision irréelle et improbable, ils réactivent un « monde flottant » d’une contemporanéité surprenante. Avec ironie, ils s’offrent à l’objectif en une sorte de dandysme érotique, mi-comique, mitragique, démontrant le mécanisme de distanciation opéré par la photographie mais également lié à l’idée de se transformer en objet de désir. Ils s’objectivent et se chosifient. Ils créent un monde proche de l’absurde, un monde imaginaire pourtant bien réel avec des éléments du quotidien, des accessoires empruntés à la mode, objets trouvés in situ, devenant ready made porno. Ces deux artistes brouillent les pistes, ils s’amusent à nous perdre aussi bien temporellement que géographiquement en jouant avec des contextes inappropriés, ils créent un effet de « hors-temps ou non-temps »1

Entre « autofiction » et « documentarisme sexuel » dont fait état Dominique Baqué, dans son ouvrage intitulé Mauvais genre(s), érotisme, pornographie, art contemporain, (Paris, Editions du Regard, 2002), L & L mettent en place des passerelles entre différents univers mais aussi différentes époques en une sorte de machine érotisante. Leurs fantasmes sont mis en forme au cours de leurs nombreux voyages comme autant de possibilités d’expérimentation, leurs photographies sont en quelque sorte la retranscription d’un nomadisme érotique. Des décalages opèrent par l’impossibilité de circonscrire leur œuvre à un seul champ artistique mais également par ce jeu du double provoqué par leur étonnante ressemblance, jeu mis en œuvre pour nous perdre et attiser notre curiosité et notre fascination, pour reprendre les mots de Max Pella : « Ils jouent avec leur ressemblance dans la mise en scène dramatique d’une gémellité incestueuse ».


L&L, Private album, desert derie, photographie 2010 courtesy Luigi & Luca

En une logique d’artialisation des corps (néologisme d’Alain Roger, nus et paysages, Paris, Aubier, 1978) Luigi & Luca se situent entre détachement critique et fascination pour les images-modèles et leurs photographies font écho au morcellement du corps social en tribus pourvues de codes et de signes de reconnaissance spécifiques.


1 Dominique Baqué, La photographie plasticienne, Paris, Editions du regard, 1998, p. 151

texte rédigé pour la revue CinQuante CinQ

Yann Perol

Luigi & Luca : Site internet Blog